CE MATIN UN PANTIN

Texte de Christian Paccoud

Les six mille ouvriers du groupe A Turpinor
Ont trouvé porte close à leurs négociations
Passé deux cent huit jours de grève et de raccords
Le PDG serein va fermer la maison

Ca fera trois minutes dans le JT du soir
Entre le tour de France et le prochain Sardou
C’est la grande cascade des rêves en entonnoir
Les mains du patronat qui se serrent sur ton cou

Affûtez les couteaux,
Pour coupez les ficelles
Plus rien dans la gamelle
Et l’avenir dans l’dos !

Ce matin, un pantin a cassé son manipulateur
C’était un pantin qui, c’était un pantin qui
Ce matin, un pantin a cassé son manipulateur
C’était un pantin qui voulait faire du bien

Dix sept heures à Roissy, un enfant népalais
D’un coup s’est décroché, du turbo de l’avion
Mort de froid, blanc de vie, le regard déchiré
Dans la poche un gri-gri, sans papiers pas de nom

Est-ce que c’est nous qui brillent qu’ils nous croient forts et beaux
Quand aux portes d’Ivry on vend de l’ouvrière !
Vois les nouveaux esclaves qu’on arnaque en euros
Quand c’est le prix du pain qui te force à te taire !
Affûtez les couteaux,
Pour coupez les ficelles
Plus rien dans la gamelle
Et l’avenir dans l’dos !

Ce matin, un pantin a cassé son manipulateur
C’était un pantin qui, c’était un pantin qui
Ce matin, un pantin a cassé son manipulateur
C’était un pantin qui voulait faire du bien

A Nanterre un chômeur déborde sa détresse
Défonçant la vitrine d’une agence Assedic
Et tire dans la foule et cogne et saigne et blesse
Dernier coup de bâton d’un destin fatidique

Ils n’en parleront pas dans les prochains discours
On fera pourcentage et bilans financiers
Ils ont tué sa rage, il a tué tout court
Mais qui donc écrira la mort des humiliés !

Affûtez les couteaux,
Pour coupez les ficelles
Plus rien dans la gamelle
Et l’avenir dans l’dos !

Ce matin, un pantin a cassé son manipulateur
C’était un pantin qui, c’était un pantin qui
Ce matin, un pantin a cassé son manipulateur
C’était un pantin qui voulait faire du bien

Les six mille ouvriers du groupe B Turpinor
Ont repris le travail non sans arrières pensées
Le PDG serein s’est déclaré d’accord
A Roissy des valises filent vers l’étranger