LA LETTRE AUX GENS D’ICI

Texte de Christian Paccoud

Gens de la terre et de nos rêves, je vous écris du plus profond de mes rêves. Je suis une fleur tombée d’un bouquet qui vous était destiné et qui malheureusement s’est fait mal en se perdant. Bien sûr, je ne suis pas perdue d’un coup mais je suis tellement perdue que maintenant je suis en bas, tout au fond, aux limites de l’insupportable.

Heureusement pour moi, j’ai trouvé quelques papas et quelques mamans qui s’occupent bien de moi. Ici c’est pauvre mais ça sent bon. Autour de moi les humains sont coquins, militants, taquins, joyeux, utopistes et font parfois un peu de bruit mais ils sont braves et me respectent.

Les murs de notre maison ressemblent  à des paradis sombres d’où jaillissent nos frères quand le vieux projecteur se rallume.

Il nous a fallu du temps pour nous rendre compte que nous étions plusieurs tombées du même bouquet et laissées là au hasard des marchandages, entre les mains des désinformateurs qui nous piétinent au fond de la poubelles de Pôle emploi, c’est là qu’ils sont les beaux poèmes, dans le fond de la poubelle de Pôle emploi.

Alors, le soir, mes amis et moi, nous nous donnons la main et nous vous offrons nos couleurs, nos larmes, nos éclats de rire, nos tempêtes. Les épines seront pour les méchants. Je suis une sincérité salie qui continue de vous ouvrir les bras, je suis une chanson cachée parmi tant d’autres dans le tréfonds d’un cabaret qu’on nomme à ciel ouvert et que quelques bénévoles tiennent encore debout.

Vous, gens d’ici les yeux ouverts qui avez su vous arrêter en chemin, vous qui avez pris le temps d’ interpeller le Monde pour lui rappeler l’histoire de ses enfants,  je vous écris du plus profond de mon cœur pour vous dire que ni de nous ni jamais nous ne baisserons les bras et c’est pas quelques dollars qui nous ferons la peau !