LES PIEDS NUS

Texte de Christian Paccoud

J’arrivais les pieds nus
Dans des jardins d’hiver
Vous aviez déjà bu
Deux ou trois petits verres

De champagne rosé
Par dessus les biscuits
Vous alliez aborder
Les potins du midi

D’abord il faudrait tout refaire
Depuis le temps ce papier peint
On en parlait l’année dernière
J’aimais la !mousse et l’eau du bain

Vous savez comment sont vos soeurs
J’adore votre nouveau parfum
Dans son beau vaporisateur
Et ce petit poème indien

Demain nous irons à Vicène
Commander des rideaux velours
Ils font des prix chez Filomène
J’aime beaucoup leurs abat-jours

On ne trouve plus de bons tailleurs
Vous avez de nouveaux bijoux
Passez moi donc un  peu de beurre
Vous reprendrez bien du vin doux

J’arrivais les pieds nus
Près du grand cyprès vert
Vous ne m’aviez pas vu
Vous écoutiez grand père

Passés les coquillages
Et le saumon fumé
Venaient les relans d’age
Et l’état des projets

De nos jours c’est très compliqué
De trouver des femmes de ménages
Il faudrait qu’on passe aux Murets
Il y a de l’herbe jusqu’au garage

Vous savez comment sont vos sœurs
Il faut toujours qu’elles se chamaillent
Moi les tondeuses et les moteurs
Surtout quand la courroie déraille

J’aime encore mieux courir dans l’eau !
Ils en parlaient dans Marie Claire
Si j’ai perdu quelques kilos
Moi je suis pour les légumes verts

Vous savez ce pauvre garçon
La vie quand même c’est pas qu’un rêve
Demain faudra faire attention
On n’en peut plus de toutes ces grèves…

J’arrive les pieds nus
Je suis dans la verrière
J’ai le poids de la rue
J’ai le sang de nos frères

Passé les flageolets
Vous avez rit un peu
Ah ce Léo Ferré
Est-ce qu’il était heureux ?

Quand même quand on a la jeunesse
On dit que Jeanne est dans un squatt
Je me souvient qu’à la kermesse
Elle avait chanté la rue Watt

Vous savez comment sont vos soeurs
J’adore les fraises même en hiver
Juste une larme de liqueur
Il y a quelqu’un dans la verrière

Oh la la la mais qu’est-ce que c’est !
Non ma chérie mais fallait pas !
C’est amusant ce péroquet !
Mais où vont-ils chercher tout ça !

Quand j’était jeune j’aimais chanter
Un peu comme Jeanne au dessert
Mais bon ce qui est fait et fait
Elle reviendra, il faut s’y faire

J’arrivais les pieds nus
Et je foulais vos terres
Maman nous n’irons plus
Dans nos jardins d’hiver

Je marche dans la boue
Je soigne mes blessures
Prenez bien soin de vous
La grève sera dure